Shebeen blues

Ananias Léki Dago


Editeur : ÉDITIONS GANG
Année de parution : 2010


Sous l’Apartheid, les Noirs n’avaient ni le droit de se réunir ni celui de consommer de l’alcool. Dans les townships d’alors, des baraques faisaient office de bars clandestins, les shebeens. Ces shebeens étaient les seuls lieux où la liberté, dans les arrière-cours ou confinée entre des murs, trouvait un exutoire. S’y réunissaient les paumés, les ouvriers, l’alcoolisme ordinaire ainsi que les opposants au régime – la subversion. Les shebeens étaient des creusets, on y oubliait le système autant que s’y fourbissaient les armes de son renversement.

15 ans après la fin de l’Apartheid, que reste-il des shebeens ? Cette réflexion est la genèse de l’oeuvre. Ananias Léki Dago, photographe, est entré dans des shebeens, aujourd’hui. Il a pris le temps de l’observation, s’est posé, s’est s’imprégné de l’atmosphère pour transcrire au plus juste sa perception du réel. Pris au Leica, les clichés d’Ananias Léki Dago se nourrissent de lignes ; des bouteilles, des queues de billards, des fragments de corps se découpent, des mains s’attardent ; des ombres se creusent, se détachent.

L’écrivain Mongane Wally Serote situe sa nouvelle dans un shebeen. Un soir, un ancien résistant au régime de l’Apartheid échange des confidences désabusées avec une femme, solitaire comme lui. Par bribes, il se remémore le passé. Le shebeen, hier comme aujourd’hui, est un monde en soi ; décrit comme un organisme vivant où la chaleur des corps se mêle aux émanations d’alcool et fumées de cigarettes.

Entre la nouvelle désenchantée de Serote et les fragments de silhouettes sur les photos d’Ananias, le lecteur se fait une image du shebeen. Loin d’une vision romanesque, il apparaît comme un lieu fermé, atemporel ; presque ordinaire mais difficile d’accès et d’évasion.