BRONX BOY

STEPHEN SHAMES


Editeur : FOTO EVIDENCE
Année de parution : 2011


Un photographe blanc dans un ghetto noir
 
A l’époque, le Bronx est une banlieue malfamée. A une heure en métro du centre de Manhattan, on y vole, viole ou deal. L’héroïne, la cocaïne puis le crack y font des ravages. Les agents immobiliers font incendier leurs propres immeubles pour toucher des indemnités d’assurances. « Certains gosses que j’ai photographié acceptaient 300$ pour exécuter ce genre de jobs », se rappelle le photographe. Pour autant, le regard de Shames va s’éloigner des scènes de violences et des histoires à sensation qui figurent déjà dans tous les magazines. Il choisit le documentaire aussi bien par sentiment que par objectivité. « Beaucoup de journalistes se contentent de ces aspects, c’est verser dans la facilité. Je n’aime pas les stéréotypes sur les noirs ou les latinos. Il était plus complet d’aussi photographier le quotidien, les amours, les moments de joie, les familles réunis dans la rue. »
 
Ce vétéran de la photographie n’a pas eu à affronter la parole des gens qu’il a abordés. Stephen Shames a dédié sa vie et son regard au peuple Noir. Avant le Bronx, dans les années 60, il y eu la lutte pour les droits des Afro-Américains et les Black Panthers. Des photos iconiques parues dans les journaux et plus récemment chez Aperture. Impliqué dans la communauté depuis des années, l’homme possédait par conséquent un passeport impérissable, celui de l’ouverture d’esprit et du sens de l’approche. Deux vertus qui lui ont permises d’oublier ce sentiment « d’absurde insécurité que les blancs peuvent ressentir ». Aujourd’hui, Stephen Shames, qui aujourd’hui a fondé une non-profit pour d’autres enfants en Ouganda, reste un homme entouré de photographie mais aussi d’amis. L’un de ces garçons du Bronx, Martin Dones, a même écrit un essai dans son livre. “Quant à Jose Poncho, la quarantaine, il vit toujours dans le quartier et a trois filles. »
 
Bronx Boys n’est pas seulement une série d’images historiques, c’est aussi l’une des premières monographies digitales. 265 pages d’images de bonne qualité en interactivité. « Les jeunes ne lisent plus les journaux. Je parie que dans 5 ans, ce modèle sera démocratisé et que chaque photographe sera en mesure de publier son livre de photos de cette façon. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que Stephen Shames, du haut de ses 64 ans, n’a jamais abandonné son regard tourné vers la modernité. Pour un journaliste du XXIe siècle, Bronx Boys est un roman sans réelle histoire. Pour celui du XXe siècle, c’est une vision contemporaine oubliée. Au choix.
 
Jonas Cuénin