Exposition : 12/11/2008 au 24/01/2009
Du mercredi au samedi de 13h30 à 18h30
Galerie FAIT & CAUSE
58 rue Quincampoix, 75004 Paris - Tél. +33 (0)142742636
À l’occasion du Mois de la Photo 2008 et de la parution du livre « Carnets de route 1932 – 1954 » aux éditions Delpire qui accompagne l’exposition.
Pour qui sait que Werner Bischof a été l’élève le plus brillant de la Kunst Gewerbe Schule de Zurich, pour qui a vu les premiers travaux, ses jeux subtils de lumière, ses portraits et ses nus, c’est sans doute surprenant de découvrir ses premiers reportages sur l’Europe d’après guerre. Mais, grâce au directeur de la revue DU qui les lui a commandés, Werner Bischof a circulé, dès l’immédiate après-guerre, en Allemagne sinistrée par les bombardements, en Hongrie, en Pologne, dans tous ces pays dévastés, peuplés d’individus faméliques, qui ont montré à ce photographe privilégié d’avoir vécu sa jeunesse en Suisse, ce qu’était la misère la plus atroce et la perte de la dignité.
Il continuera dans cette voie en Inde et au Vietnam pour retrouver enfin, au Japon, qui fut sa terre d’élection, une tradition d’une richesse qui le comblait, une culture d’une finesse et d’une variété qui n’ont pas d’équivalent. Entre les paysages, et les jardins zen, l’architecture, le souci affiné du décor, et jusqu’à l’écriture, il a trouvé là matière à sa curiosité.Un sens plastique indéniable, une compassion sans mièvrerie, placent d’évidence Werner Bischof, malgré sa courte vie – il se tua à 38 ans dans les Andes péruviennes -, parmi les grands photographes de son temps.
Robert Delpire
Puis la guerre est venue, et avec elle la destruction de ma « tour d’ivoire ».
Le visage de l’homme souffrant est passé au premier plan. J’ai travaillé comme correspondant à la frontière austro suisse et j’ai vu des milliers d’êtres humains échoués là, qui attendaient pendant des jours et des semaines derrière les barbelés. Des enfants et des vieillards; dans leurs dos des explosions de grenades et des blindés en folie.
Il fallait que je parte, que j’apprenne à connaître le véritable visage du monde. Notre petite vie confortable empêchait un grand nombre de gens de voir l’immense détresse en dehors de nos frontières. On versait sa contribution aux œuvres d’entraide humanitaire, ainsi l’on se sentait dispensé de toute réflexion.
Après mon premier voyage en Hollande, en France, au Luxembourg, la revue DU publia mes impressions. Mais quelle indignation! La photo de la page de titre avec le visage détruit, blessé, de l’enfant avait effrayé les gens qui voulaient avoir la paix.
A la maison, j’ai regardé avec mélancolie les photos délicates que j’avais faites avant la guerre et qui m’avaient valu tant de louanges de la part de mon entourage – mais dans mon esprit je voyais les centaines de milliers de malheureux anéantis par la misère quotidienne et qui avaient besoin de notre aide.
Werner Bischof, Autobiographie