A PHOTOGRAPHIC MEMORY
Yuri DOJC - Katya KRAUSOVA
Editeur : EDITIONS PRESTEL
Année de parution : 2015
Photographe canadien, Yuri Dojc a photographié des livres en décomposition d’une école juive abandonnée dans une bourgade de Slovaquie. Dernières traces d’une présence juive dans cette région de l’Est de la Slovaquie, ces livres préservent la mémoire d’une culture juive riche et féconde. Août 1968. Les tanks soviétiques font leur entrée dans Prague. Yuri Dojc suit un cours d’été à Londres et décide de ne pas retourner en Tchécoslovaquie. Un an plus tard, il s’installe à Toronto, ou il commence sa carrière de photographe qui lui permettra d’obtenir une renommée mondiale.Alors qu’il participe au tournage d’un film sur les survivants de la Shoah en Slovaquie, un hasard favorable le conduit dans une école juive abandonnée d’une petite ville de l’Est de la Slovaquie. « Un prêtre est venu nous voir en nous expliquant qu’il voulait nous montrer quelque chose susceptible de nous intéresser », raconte Yuri Dojc. « Nous n’avions pas beaucoup de temps, mais il s’est montré très insistant. Il nous a emmenés dans ce vieux Heder (école élémentaire juive) dont il possédait la clé que lui avait confiée un Juif pendant la guerre pour qu’il en prenne soin ».En 1942, cette école a vu disparaître vers les camps de la mort tous ceux qui la fréquentaient… sauf les livres, les cahiers d’exercices, les bulletins scolaires, et même le sucre dans les armoires. Yuri Dojc prend alors quelques photos et de retour à Toronto, découvre toute la beauté de ces livres. Il y retournera pas moins de six fois en quinze ans.Ces livres en décomposition sur des étagères poussiéreuses, derniers témoins d’une culture jadis florissante, il les traite alors comme des survivants uniques. « Chaque livre est saisi comme un portrait que j’essaye de préserver dans sa beauté ultime », explique Yuri Dojc. « D’un point de vue esthétique, j’ai pu me rendre compte à quel point la couleur et la forme de ces livres étaient belles. Auparavant, j’avais toujours envie de retravailler mes clichés pour les rendre plus lisses et même plus clinquants. Avec ces livres, c’est différent. Même en décomposition et plein de poussière, ils sont beaux ».Cette série de photos l’a également touché émotionnellement : « Quand je suis monté sur le toit de cette école juive, j’ai découvert un cahier dans lequel un élève avait écrit qu’il deviendrait bûcheron. C’est terrible, car nous savons qu’il n’aura jamais pu réaliser son rêve à cause de la Shoah », lâche-t-il.Parmi la centaine de livres et fragments photographiés par Yuri Dojc, il en est un qui se distingue particulièrement : un livre ayant appartenu à son grand-père ! Il a miraculeusement traversé le temps sur une étagère poussiéreuse pour revenir à son héritier légitime.
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