ALMOND GARDEN

Gabriela MAJ


Editeur : DAYLIGHT
Année de parution : 2015


En quatre ans (2010-2014), la photographe polaco-canadienne Gabriela Maj a voyagé à travers l’Afghanistan pour rapporter des portraits et des images des prisons pour femmes du pays, y compris le plus célèbre des pénitenciers pour femmes, Badam Bagh, situé dans les environs de Kaboul. L’Almond Gardende Gabriela Maj (Daylight Books, Printemps 2015) est le plus vaste témoignage de la vie des femmes incarcérées en Afghanistan produit jusqu’à présent. La majorité des prisonnières que Gabriela Maj décrit ont été incarcérées pour ce qui est connu en Afghanistan comme « crimes moraux », un terme qui décrit les façons dont une personne peut être accusée de « zina » ou relations sexuelles entre deux personnes qui ne sont pas mariées. Les crimes dont ces femmes ont été accusées incluent la fuite d’un mariage arrangé, le fait d’être vendue comme prostituée, l’esclavage domestique, la violence physique généralement exercée par leur mari et le viol, ainsi que la grossesse non désirée. Etre une femme photographe indépendante a permis à Gabriela d’avoir un accès extraordinaire à ses sujets, avec lesquelles elle a établi un rapport de confiance, rendant visite à de nombreuses reprises à beaucoup de femmes incarcérées que l’on retrouve dans le livre. Maj écrit dans un essai présent dans son livre que, « comme femme photographe, seulement accompagnée par un interprète afghan, j’étais fréquemment laissée seule dans les prisons une fois les gardiens lassés de me surveiller… Mon impression était que, sans être accompagnée par aucun agent de sécurité, une femme, de surcroit une étrangère, n’était pas considérée comme une menace. » Elle continue, « être négligée de cette façon est devenue une stratégie qui finalement m’a montré le contexte dans lequel je travaillais, un contexte dans lequel les récits des femmes étaient considérés comme hors de propos par rapport à la dynamique de pouvoir qui contrôle le pays ». Un autre avantage dont Maj a pu profiter fut son passeport polonais. Beaucoup de prisons afghanes et d’officiels du gouvernement qui ont tenté de lui refuser l’accès aux installations des prisons se sont ensuite montrés aimables lorsqu’ils ont appris son héritage est-européen, basé sur l’histoire partagée de l’oppression soviétique en l’Afghanistan et la Pologne. Les femmes sont généralement photographiées seules ou avec leurs enfants incarcérés avec elles. Elles se présentent à face à l’appareil comme elles le veulent et elles adoptent différentes attitudes, aussi bien sereines que provocatrices. La composition en grand angle place chacune d’entre elles dans un environnement plus large encore qui donne des indices sur leur espace personnel ; des rideaux en lacets accrochés au coin d’une cellule, des photos de famille affichées au dessus du lit comme des posters dans une chambre d’adolescent, des tapis à motifs en polyester couvrant le sol, un bouquet de fausses fleurs en plastique sur une étagère poussiéreuse en bois. Les couleurs claires des vêtements des femmes, les tissus colorés qui décorent leur cellule, l’absence de barreaux de prison, de gardiens, et d’autres éléments que l’on imagine et associe à la vie de prisonnier en occident, dément les conditions de vie difficiles et les souffrances endurées par ces détenues, pourtant, beaucoup d’entres elles entrent en prison traumatisées émotionnellement et physiquement et n’ont accès à aucun traitements dans les installations de la prison. Souvent rejetées par leur famille, les situations de ces femmes peuvent s’aggraver à leur sortie. Sans la protection de leurs parents qui les ont rejeté, elle sont souvent en réel danger d’être tuées ou torturées à moins d’être capables de trouver refuge dans un foyer de femmes. Les portraits sans titre de Maj sont accompagnés par les témoignages des femmes qui décrivent les circonstances qui les ont conduit à leur incarcération. Maj présente cette section en déclarant que les noms des femmes ont été changés pour protéger leur vie privées et leur histoire ont délibérément été séparées de leur portrait. Chaque introduction montre de quoi la femme a été accusée, son âge (ou son âge estimé s’il est inconnu) et la durée de sa sentence. Séparer les portraits des témoignages permet d’établir des rapports entres les expériences de chaque individu du groupe sans que les femmes soient définies par leur crime pour lequel elles ont été emprisonnées.