TERRITOIRES DÉNATURÉS
ENQUÊTE SUR LA FRANCE NUCLÉAIRE


Nicolas GALLON


Editeur : Éditions du Seuil
Année de parution : 2024
Nombre de pages : 128
Dimensions : 22X19cm
Langue : Français
ISBN 13 : 9782021537192



Je suis né dans le pays le plus nucléarisé au monde sans jamais me poser de réelles questions sur cette énergie. Ce n’est qu’en 2012, lors du premier anniversaire de la catastrophe de Fukushima, que je pars photographier la centrale de Nogent-sur-Seine, la plus proche de là où je vis. Passé la stupéfaction devant l’immensité de l’édifice, je tourne pendant trois jours autour des cheminées de refroidissement pour trouver le meilleur point de vue. J’arrive au stade Roger-Couderc, et là, je vois une trentaine d’enfants qui s’entraînent au foot. En arrière-plan de cette scène, les deux énormes cheminées de la centrale crachent un épais panache dans le ciel. Touché et étourdi par la juxtaposition de cette insouciance et d’un danger possible, je décide de continuer ce travail sur les autres centrales françaises, et vais durant les mois suivants parcourir tout notre territoire pour photographier la totalité des dix-neuf centrales nucléaires. Parallèlement à ce reportage, je commence à me documenter. Je m’informe, je me forme. Je
m’intéresse au fonctionnement d’une centrale, je me renseigne sur ce qui se produit avant et après la combustion de l’uranium, j’apprends les différentes provenances de ce minerai censé nous garantir l’indépendance énergétique, je découvre les accidents mis en sourdine de Three Mile Island ou de Saint-Laurent-des-Eaux, j’essaye de comprendre la problématique de la gestion des déchets, prends conscience des décisions politiques, des non-dits, des passages en force de l’État pour imposer le nucléaire comme notre principale source d’énergie. Alors je me rends à nouveau sur place, je visite les anciennes mines, je déambule entre les différents sites de stockage de déchets, je me heurte à un lourd silence à La Hague, je traîne le long des usines de transformation d’uranium,
je découvre la Meuse et le projet d’enfouissement des déchets à Bure. Je rencontre les habitants, les militants, discute avec les travailleurs, j’échange avec les principaux concernés sur place, traquant les moindres traces de cette industrie dans les sols, les rivières, dans les arbres, les lacs et les étangs : césium 135, polonium 210, plomb 210, thorium 230, radon… Et je me rends à Plogoff pour souffler.
Dix ans d’enquête sont réunis dans cet ouvrage. Je ne suis pas militant, du moins je le crois, ni un lanceur d’alerte. Je suis un citoyen inquiet et un photojournaliste qui enquête sur la politique énergétique d’un pays. Je ne cherche à convaincre personne ; malgré tout, je suis convaincu qu’un autre choix est possible.

Nicolas Gallon / CONTEXTES